un exposé de la violence au cinéma : Dalva et les autres

La violence est un phénomène systémique, qui se manifeste dans la sphère privée et par ricochet dans l’espace public. Michel Foucault avec son ouvrage “Surveiller et punir” (1975) a marqué les esprits en examinant les sources à la racine d’un système et les freins susceptibles d’en limiter la contagion à grande échelle.

Le viol est une violence. Dans Dalva, sorti en salles en 2023, Emmanuelle Nicot livre un récit propre à un genre : le réalisme social. Ce récit est celui d’une fille aveuglée par son père. Agresseur, il l’est, mais la petite puis jeune fille est incapable de le voir. Son masque de la normalité est un rempart contre la vérité. Faut-il tout dire ? A notre époque post #metoo, les récits des violences faites aux femmes trouvent un écho dans l’opinion, aussi bien en milieu populaire qu’à la tête du système, avec Adèle Haenel notamment. Emmanuelle Nicot met en avant le travail du temps et les vertus de la rééducation, et du dialogue, au service sans doute du bien commun.

Detachment (2012) campe Adrien Brody en professeur-sauveur déprimé mais vertueux. Son appartement donne sur rue,  cette rue. Cet espace de violence collective pour les femmes, surtout lorsqu’elles y exercent leur métier. La violence que la rue fait aux femmes, Virginie Despentes dépeint cette réalité avec brio dans King Kong Théorie (2006).

La tête haute (2015) et Polisse (2011) constituent aussi une excellente porte d’entrée dans l’interconnexion des sphères d’expression de la violence. Benoît Magimel, en éducateur social, tente d’apporter son soutien à un jeune victime de violences intrafamiliales. Ces violences n’ont pas seulement des ressorts économiques, elles sont aussi et avant tout sociales. La confrontation d’une mère de famille célibataire, sans ressources, avec deux enfants à sa charge, montre la charge domestique représentée par l’arrivée d’un et plusieurs enfant.s. dans le quotidien d’une femme. Le désir d’enfant devrait être corellé à la possibilité de subvenir à ses besoins. Mais les inégalités d’accès aux marchés du travail constituent aussi une violence de genre. Le masculin l’emporte encore largement sur le féminin en matière d’accès à des postes à responsabilité et des sphères concernées. Rattachées à la sphère sociale et l’éducation, les femmes sont encore une minorité à exercer une fonction de cadre (42% seulement). Comment dès lors désirer un enfant, enfanter et subvenir entièrement à ses besoins ? Catherine Deneuve exerce un semblant de mère d’adoption et donne des clés, une attention et une bienveillance à ce garçon, qui en a certainement manqué.

Polisse (2011), réalisé par Maïwenn, est sans doute l’un des films français du XXIe siècle qui travaille avec la plus grande justesse l’interconnexion des luttes. La lutte contre la violence vis-à-vis d’autrui et celles vis-à-vis de soi-même. Marina Foïs est une jeune policière en couple, effacée et pourtant déterminée, lutte contre les violences sur mineur. Des violences qui sont à la fois sexuelles et psychologiques. Mais sa lutte, elle l’a mène dans cet espace semi-public du lieu de travail. Mais aussi dans son espace intime. Son mal ne se voit pas, et pourtant il la détruit à petit feu. Maïwenn dépeint ainsi cette impuissance du conjoint face à la certitude des doutes qui encerclent sa copine. L’interconnexion des violences, disait-on. L’intime et le politique co-existent. Un peu comme dans La tentation du Panda roux de Haïga Jappan (2023), aussi.

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