delaunay ou l’absence de distinction

L’oeuvre de Sonia Delaunay est marquée par le développement d’un art total qui procède d’une vision toute personnelle encore partagée aujourd’hui : l’absence de distinction entre art majeur et art mineur. Dans la tradition classique d’une histoire de l’art linéaire et verticale marquée par la création de l’Académie royale de peinture et de sculpture en 1648, future Académie des beaux-arts, la légitimité est d’emblée donnée aux artistes peintres et sculpteurs, et le tissage, le vêtement retranchés dans l’espace domestique, comme le montre Rozsika Parker dans son ouvrage phare The Subversive Stitch (1984). Les artistes femmes n’ont accès que tardivement à l’atelier de modèle nus, “un passage jugé essentiel à l’apprentissage du jeune artiste, où la peinture est généralement jugée comme la plus haute catégorie artistique, de la Renaissance jusqu’à la fin du XIXe siècle.*

La conception de l’art, telle que présentée par l’historienne de l’art Linda Nochlin dans Why have there been no women artists (1971), est identique à celle proposée par Sonia Delaunay : Sonia Delaunay se libère d’une représentation formelle outillée par la couleur et le mouvement. L’absence de hiérarchie, initiée par Guillaume Apollinaire en 1912 dans Les Peintres cubistes, définit l’orphisme comme partie intégrante de l’oeuvre de Sonia Delaunay. Les oeuvres de Sonia Delaunay, aussi bien textiles, décoratives, picturales, sont le fruit d’une même recherche de rythme par “une gamme de couleurs.”*

Il nous faut donc finalement rappeler la vision de Linda Nochlin présentée en 1971 à ce sujet :

“The problem lies not so much with the feminists’ concept of what femininity is, but rather with their misconception (…) of what art is : “with the naïve idea that art is the direct, personal expression of individual emotional experience, a translation of personal life into visual terms. Art is almost never that, great art never is. The marking of art involves a self-consistent language of form, more or less dependent upon, or free from, temporally-defined conventions, schemata or systems of notation, which have to le learned or worked out, either through teaching, apprenticeship or a long period of individual experimentation.

Notes

*Terme utilisé par Maïthé Vallès-Bled, conservatrice du Musée de Lodève et contributrice au catalogue d’exposition ”L’Atelier Simultané 1923-1934. Aquarelles et gouaches. Musée de Lodève 30 novembre 2002 - 2 mars 2003. Avec la collaboration du Centro Italiano per le Arti e la Cultura et de la Fondazione Bevilacqua La Masa.

Lexique francais / anglais:

*passage traduit de l’ouvrage original Linda Nochlin, Why have there been no women artists (1971)
*cop-out : échappatoire

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